Bachelorette

Il fallait s’en douter, le succès de Very Bad Trip a donné des idées à beaucoup de monde. Les personnages irresponsables, si possibles ivres ou drogués sont devenus à la mode et il est à parier qu’on aura droit à des films de ce genre pendant encore un moment. Si on accepte parfaitement l’idée de faire des films sur des hommes irresponsables passant une heure trente à faire la fête, boire et baiser, il reste pourtant toujours très mal vu d’imaginer des films du même genre avec des femmes. Les réactions radicales et sexistes des spectateurs sur internet montrent en tout cas toute la nécessité d’un film comme Bachelorette qui prend un malin plaisir à écorner l’image trop lisse de la femme dans la comédie américaine.

On pensait les personnages féminins romantiques et caricaturaux derrière nous mais l’échec critique du film montre qu’il n’en est rien. Spectateurs et spectatrices restent encore aujourd’hui esclaves d’une vision idéalisée de la femme dans le cinéma où l’égalité des sexes est, plus que jamais, un lointain fantasme. Il faut dire que Bachelorette paye son image de « Very Bad Trip » au féminin qui laissait présagé d’une comédie trash et déjantée. Au lieux de ça le film est terre à terre, les personnages cyniques et méchants et l’humour particulièrement noir. Cela ne veut pas dire que le film est mauvais, bien au contraire, il ne joue simplement pas sur le registre où on l’attendait. Bachelorette est une comédie générationnelle dans la veine des films de Apatow et de la série Girls de HBO (dont Apatow est d’ailleurs producteur) qui dresse à travers ses héroïne le portrait d’une jeunesse vieillissante, pommée, malheureuse, ridicule et parfaitement consciente de l’être.

Il fallait oser l’humour pour parler de personnages presque dramatiques, mais c’est pourtant le choix de Leslye Headland  qui ne cherche jamais à sauver ses personnages ni même à les défendre. Elle les laisse s’exprimer à coup de vacheries, de tirades cassantes voir de références cyniques aux séries de leurs jeunesse (My So Called Life et Dawson en tête)  sans les juger pour autant et en assumant parfaitement cette volonté de dessiner trois anti-héroïnes crédibles, franches, et malgré tout attachantes. Le casting est d’ailleurs très pertinent, Kirsten Dunst est aussi brillante que glaciale, Isla Fisher tourne son personnage habituel de petite brune excentrique à la parodie et en fait une fêtarde dépressive, drôle et triste à la fois. Enfin l’humour pince sans-rire de Lizzy Caplan fait toujours mouche, notamment dans ses longues tirades décomplexées. Au fond on se retrouve dans ces personnages de ratés cyniques ou déjantés. Regan, Jena et Katie sont des personnages parfaitement ancrés dans leurs époques, parfaitement contemporains, et parfaitement détestable dans l’image négative qu’ils nous renvoient en pleine figure. Pour peu qu’on accepte de le voir comme la comédie incisive que Leslye Headland a filmé et non pas comme un erzat de Very Bad Trip, Bachelorette à alors tout d’un film pertinent, lucide et surtout désenchanté, brillamment désenchanté.

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